Concevoir la ville comme le biome local et millénaire.

Je présente, aujourd’hui et pour les prochains articles, l’intégralité des textes que j’ai rédigé pour l’événement “Ville biomimétique, Ville de demain”. Nous avons fait le choix de présenter sur les panneaux de l’exposition qu’un condensé des textes originaux. 8 Univers ont été abordés (voir ici). Voici donc le texte en entier concernant l’univers : Urbanisme.

Concevoir la ville comme le biome* local

En Inde et en Chine, les premières villes conçues selon les principes du biomimétisme voient le jour. La méthode : observer, comprendre l’histoire écologique locale, adopter une attitude humble et écouter les leçons des espèces biologiques natives. Le but est de concevoir la ville comme le biome* local et où les gens pourront vivre, travailler, apprendre et jouer en harmonie avec la nature.

La conception de ces villes suit une approche de planification et de conception à la fois inspirée du fonctionnement des écosystèmes naturels et des principes du vivant pour élaborer des solutions durables aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux.

Au Sud-Est de Bombay, à une centaine de kilomètres à vol d’oiseau, la ville de Lavasa s’étend sur les collines au bord du lac artificiel Varasgaon. La ville se divise en cinq grands villages de 30 000 à 50 000 habitants. Situé dans une région régulée par la mousson, la ville est soumise à une courte mais intense saison des pluies avec des précipitations pouvant atteindre 9000 litres par m² en seulement 3 mois, suivi par des sécheresses importantes. En dépit de ces conditions difficiles aucune érosion des sols n’est présente. Janine Benyus et son équipe ont étudié le biome local, la forêt tropicale humide, et ont identifié 6 grands services rendus par celui-ci : collecte d’eau, captation de l’énergie solaire, séquestration du carbone, filtration de l’eau, évapotranspiration et cycle de l’azote et du phosphore. La manière dont ces services sont rendus a été prise pour guide par le cabinet d’architecture HOK pour orienter leur conception urbaine. Le but était de concevoir la ville afin qu’elle se comporte comme une forêt humide d’un point de vue fonctionnelle. Lavasa est la première ville du monde basée sur les principes du biomimétisme.

Concevoir la ville comme le biome local implique par exemple que les toits de la ville participent à la libération dans l’air, sous forme de vapeur, des quantités d’eau reçues de la mousson, que les chaussées laissent pénétrer l’eau dans le sol et que les fondations des bâtiments fixent la terre comme les racines des arbres à feuilles caduques sur le flan des collines. Pour la conception des routes, les ingénieurs du projet se sont inspirés des fourmilières qui sont capables de résister aux pluies diluviennes. La clé, explique J. Benyus, réside dans les sinuosités présentes à la surface de la fourmilière qui canalisent et ralentissent les flots d’eau qui courent à sa surface. Les routes de Lavasa sont conçues pour imiter ces caractéristiques.

Les plans d’urbanisme et d’architecture du projet pionnier de Lavasa ont servi de cadre d’expérimentation pour les futurs développements urbains et industriels de la ville de Khed, situé à 168km de Bombay, qui abritera 2 millions de personnes dans une zone de la taille de Paris intramuros.

La méthode employée est la même mais les plans pour la zone urbaine de Khed sont plus ambitieux. Comme à Lavasa les services sont réinventés à partir des connaissances actuelles en s’inspirant des stratégies mises en place dans les écosystèmes locaux, et guidés par les principes de fonctionnement du vivant. Quarante grands services et leurs interconnections ont été identifiés, tels que culture, éducation, transports, commerces, management de l’eau et de l’air, production et distribution de l’énergie, etc.

Résultats plus de 35% de l’énergie est produite sur place, 50% de l’eau potable est économisée et 70% à 90% des déchets relâchés habituellement dans la nature sont évités. Une harmonie certaine entre nature et ville est restaurée.

L’Europe du nord et centrale est caractérisée par ses larges forêts d’arbres feuillus. Ces forêts ont largement disparu à cause des activités humaines. Les forêts présentes actuellement sont des domaines façonnés, gérés et exploités par l’homme. Nos villes doivent restaurer et rendre les mêmes services que l’ensemble d’écosystèmes primaires locaux (tels qu’ils étaient avant l’intervention de l’homme) car particulièrement bien adaptés au climat tempéré que nous connaissons. Il ne s’agit pas de reproduire une forêt en ville mais bien de copier les fonctions en jeu au sein des écosystèmes. Pour chaque service ou fonction, il est nécessaire de se poser la question : comment fait la nature au sein du biome local ? Les réponses nous aiderons à améliorer la ville pour la rendre indiscernable, d’un point de vue fonctionnel, d’une forêt mature. Ainsi notre impact perturbateur, induit par nos activités au sein des villes, sur les grands cycles naturels de l’eau, des éléments nécessaires à la vie (carbone, oxygène, azote, phosphore, fer, etc.), de la chaleur, de la matière et des espèces biologiques disparaitra. Le travail est gigantesque car il demande une connaissance fine du fonctionnement des écosystèmes et de la biosphère et doit s’inscrire dans la durée, c’est à dire au delà des mandats électoraux et surtout au delà de la durée d’une génération de femmes et d’hommes.

quelques éléments sur le projet de HOK pour la ville de Lavasa ici.