Innovation : Pourquoi tout s’accélère ?
Innovation : Pourquoi tout s’accélère ?
Nous avons tous cette impression que la vie, que les événements, que la technologie s’accélèrent. Ceci n’est pas juste une impression
Voici par exemple les sorties de produits d’Apple qui ont impacté fortement le marché :
Ces sorties sont de plus en plus rapprochées dans le temps. Apple semble condamné à innover de plus en plus vite sous peine d’être totalement dépassé par la concurrence, de connaitre le sort de Nokia ou Blackberry et de se diviser ou disparaître. Apple n’est pas le seul touché, l’innovation en général suit une tendance accélératrice (voir graphe ci-dessous qui montre la progression des moyens de communication).
On peut analyser l’origine des fluctuations économiques de la façon suivante. Initialement un environnement stable favorise la croissance économique avec formation de grosses entreprises. Dû à une économie d’échelle, ces entreprises deviennent de plus en plus productives. En innovant, une grande entreprise modifie son environnement économique, par exemple en suscitant la concurrence ou en saturant le marché. Une situation nouvelle est donc créée. Face à ce nouvel environnement l’entreprise est obligée de se réadapter en innovant de nouveau. Plus fort est son impact sur le marché plus vite elle devra s’adapter au nouveau milieu concurrentiel. Cette boucle de retro-action oblige l’entreprise à accélérer son rythme d’innovation.
Le biologiste Leigh van Valen a baptisé ce processus « effet de la Reine Rouge » en référence à l’œuvre de Lewis Carrol, Alice au pays des merveilles, dans laquelle la reine rouge dit: « ici, il faut courir le plus vite possible pour rester sur place ». L’effet de la Reine Rouge se retrouve dans l’évolution des espèces biologiques. Lorsqu’une fluctuation génétique (un nouveau gène) apparait la sélection naturelle se chargera de garder ou d’éliminer ce gène en fonction de l’avantage qu’il confère à l’individu par rapport à son environnement. Le gène est mémorisé dans le patrimoine de l’espèce. Mieux adaptée, l’espèce modifie son environnement, c’est-à-dire que les membres de cette espèce consomment plus de proies (pris ici au sens large : source de nourriture). Les proies doivent, sous peine de disparaitre, s’adapter d’autant plus vite que le prédateur à augmenté son efficacité de prédation. Le prédateur, en réponse, doit à nouveau se réadapter à son environnement et ainsi de suite. Cette rétroaction a donc pour effet d’accélérer l’évolution de sorte que tout va de plus en plus vite.
On voit bien l’analogie entre espèces biologiques et entreprises où une mutation génétique est remplacée par une innovation.
Mais quel est le futur d’une telle évolution ?
En biologie la limitation vient de la vitesse de mutation des gènes. La réadaptation dépend des mutations. Lorsqu’une espèce n’a plus le temps de s’adapter elle s’éteint. On voit donc que les espèces qui ont co-évolué sous l’effet de la Reine Rouge atteignent un stade critique quand le temps entre deux réadaptations atteint, par diminution, le temps typique entre deux mutations.
Ce genre de phénomène, présent pour les espèces biologiques et les entreprises, existe également pour un grand nombre de choses, par exemple les civilisations. La chute de l’empire grec, de la civilisation de l’ile de Pâques ou d’autres, s’explique par ses phénomènes de modification de plus en plus rapides de l’environnement auxquels ces civilisations n’ont su faire face en s’adaptant assez rapidement. On peut d’ailleurs craindre que le réchauffement climatique (ici) nous entraine dans un effet de la Reine Rouge. Les sociétés humaines sont en train de modifier leur environnement, le climat global de la terre, à cause des émissions de gaz à effet de serre qui proviennent de notre forte consommation de ressources fossiles (« nos proies »). Nous allons devoir nous adapter à ce changement ce qui peut entrainer une modification rapide de notre environnement, etc. Un emballement est à craindre !
Comprendre le vivant nous permet de comprendre l’évolution des entreprises, des civilisations. Le biomimétisme, c’est imiter le vivant pour plus de résilience, pour plus de durabilité et cela passe d’abord par la compréhension du monde qui nous entoure et donc du fonctionnement de la nature. Sous cet effet de la Reine Rouge se cache des phénomènes critiques auto-organisés qu’il serait trop long d’expliquer dans ce seul article. J’invite le lecteur intéressé à lire l’excellent livre de François Roddier pour plus d’explications de ces mécanismes qui permettent de comprendre bien plus de phénomènes que ceux évoqués ici.
L’effet de la Reine Rouge est très courant. Peut-être en avez-vous des exemples ?
