Ce petit crapaud coloré au nez aplati, au corps dodu et aux pattes courtes que l’on croit sorti d’un manga japonais ne fait pas plus de 6cm de long.
Notaden bennettii, est aussi petit qu’un œuf, mais il a quelques grands tours dans sa manche. Ce crapaud, comme tous les crapauds, a besoin d’eau. Malheureusement, ce pauvre garçon vit dans les zones arides de l’ouest du New South Wales et du Queensland en Australie, où il peut ne pas pleuvoir pendant des mois. De plus sa petite taille fait de lui un apéritif idéal pour pas mal de prédateurs. Alors, comment fait-il face à l’incertitude constante de sa pauvre existence, comment s’est-il adapté à ces conditions difficiles ?
Pendant les périodes de sécheresse, ce crapaud fouisseur passe dans la clandestinité, lové dans le sol desséché, en attendant que les pluies reviennent. Sous les fortes pluies, la terre se ramollit, devient boueuse et libère le crapaud crucifix de son sommeil de princesse. La belle au bois dormant émerge et commence son repas de fourmis, de termites, ou tout autre petit invertébré qui a la malchance de se balader par la.
D’autres prédateurs avertis sont aussi à l’affût, et un crapaud rondouillard constitue un casse-croute parfait pour un serpent affamé ou un oiseau de passage. Comme beaucoup de créatures venimeuses le crapaud crucifix s’est doté au cours de l’évolution de signaux d’avertissement à l’aspect dramatique. Un motif frappant fait de taches rouges et noires forme une croix sur son dos contrastant hardiment avec une peau lumineuse verte et jaune chartreuse, racontant aux convives curieux et près à s’attabler non pas une histoire stendhalienne mais de faire marche arrière. Mignon mais pas à croquer !
Si provoqué, le crapaud montre pourquoi il est sage de faire attention. Une substance visqueuse se dégage de sa peau, et durcit en quelques secondes. Avec cinq fois la résistance à la traction des colles chirurgicales actuelles à base de protéines, cette colle est tout à fait remarquable. Elle est non toxique, fonctionne très bien dans l’eau, et forme un maillage hautement élastique et poreux. Elle a également l’effet très désagréable de sceller très rapidement et efficacement les pièces buccales de ses prédateurs qui en reste bouche bée bien entendu ! Et si les fourmis attaquent la grenouille en maraude, elles collent à son dos comme une mouche sur la bande collante d’un attrape-mouches. Puis, avec une gêne modérée, le crapaud se débarrasse de sa peau et la mange pour collation, colle et fourmis au parfum.
Ensuite, vient le temps de l’accouplement. Puisque l’eau est une denrée rare dans cet endroit aride, le crapaud crucifix fonce vers la première flaque venue. Le mâle saute, bras et jambes écartés, dans l’eau, klaxonnant furieusement comme un kéké des plages au volant de sa première Mehari pour attirer la femelle de ses rêves. Une fois attirée et conquise, il se colle littéralement à elle. Dès que le couple perd ce sentiment d’attachement, la femelle pond ses œufs rapidement. Avant longtemps, les têtards éclosent et se développent le plus rapidement possible avant que les flaques d’eau ne s’assèchent. Toute cette “love affaire” est terminée en six semaines.
La vie de ce crapaud est étonnante mais que peut-on apprendre de cette créature extrême ? Que faire avec cette colle non toxique, poreuse, avec une résistance élevée à la traction, qui adhère sous l’eau et qui est bio-dégradable ?
PolyNovo, une spin-off de la compagnie australienne CSIRO (déjà citée ici), est en passe de commercialiser une colle biologique inspirée de celle du crapaud crucifix qui devrait mettre fin aux opérations chirurgicales pénibles et invasives. Le but étant d’injecter par des seringues ce gel collant sur les fractures ou cassures des os pour les ressouder en attendant la reformation des dits os. La colle polymère est conçue pour se dégrader naturellement à une vitesse qui coïncide avec la guérison. Finies les pointes et autres vis métalliques.
Ceci est une innovation médicale importante, gageons que le crapaud crucifix inspirera d’autres produits utiles. Des idées peut-être ?